Au cours des 16 premières années de ma carrière dans le monde de l’entreprise, j’ai connu huit réorganisations impliquant directement le poste j’occupais. Pour certaines, j’étais un contributeur individuel qui attendait d’être fixé sur son sort, et pour la plupart, j’étais un cadre dirigeant qui façonnait l’avenir des autres et décidait de leur destin. Au bout du compte, la boucle a été bouclée quand je me suis soudain retrouvé dans la peau d’une personne en quête d’une nouvelle carrière, différente de celle qui avait été la mienne pendant si longtemps.
Les réorganisations sont difficiles, nécessaires et profondément personnelles pour tous les individus concernés.
Souvent, lorsqu’on emploie le terme de « réorganisation », on l’associe immédiatement à « perte d’emplois » ou « coupes budgétaires ». Bien sûr, ce sont des finalités possibles, mais ce n’est jamais le véritable objectif de l’effort. Le véritable objectif est d’amener l’entreprise à changer de trajectoire pour en adopter une que ses dirigeants estiment plus viable et plus propice à sa réussite future. Je n’ai jamais rencontré de dirigeant qui, confronté à une réorganisation, ne souscrivait pas à cet objectif. Pourtant, 80 % des réorganisations échouent à donner les résultats espérés dans les délais impartis.1
Pourquoi un tel échec?
Pour résumer, le problème ne vient pas du « quoi », mais du « comment ». Les êtres humains peuvent être à la fois incroyablement résilients et vraiment impitoyables. Établir un plan d’action présente peu d’intérêt si vous ne parvenez pas à obtenir l'adhésion de votre équipe. Chacun accueillera l’annonce du changement différemment et aura besoin d’aide et de conseils pour se représenter l’avenir. En tant que leader, il vous incombe d’accueillir pleinement l’aspect humain du changement si vous voulez que votre prochaine réorganisation aboutisse à une transformation réussie plutôt qu’à une coquille vide et dysfonctionnelle du passé.
Si vous réfléchissez actuellement à l’avenir de votre équipe, tenez compte des pratiques exemplaires et des leçons de leadership suivantes. Elles sont le fruit de l’expérience que j’ai acquise au fil des huit réorganisations que j’ai vécues — avant, pendant et après l’annonce.
AVANT : Les 3 S — Stratégie, Structure et Sélection
- Veillez à ce que votre stratégie tienne compte des tâches essentielles à accomplir. Même si la genèse du changement consiste à réaliser une économie de 10 % sur les coûts salariaux, résistez à l’envie irrépressible d’identifier simplement les 10 % du personnel dont vous allez vous séparer. Commencez par passer en revue votre plan d’action, réfléchissez aux tâches essentielles à accomplir et déterminez aussi celles auxquelles vous allez mettre un terme. Non, vous ne pourrez pas faire tenir dix kilos de travail dans un sac qui ne peut en contenir que neuf, et partir du principe qu’une nouvelle équipe plus restreinte trouvera comme par magie les moyens de gagner en efficacité n’est pas de nature à renforcer la confiance que cette équipe accordera à son meneur, c’est-à-dire vous.
- Définir une structure bien réfléchie est une étape fondamentale de votre réorganisation. Dans le cadre de votre plan d’action, déterminez les rôles et les responsabilités nécessaires à l’exécution de la stratégie. Réfléchissez aux processus qui devront être modifiés ou créés pour unir efficacement votre équipe. Adressez-vous à un dirigeant ou à un partenaire de confiance pour avoir un deuxième avis.
- La sélection de l’équipe n’est jamais plus efficace que lorsqu’elle est en adéquation avec la nouvelle structure. Choisissez les individus qui, dans l’équipe existante, correspondent le mieux à la nouvelle structure. Pour cela, exploitez les informations les plus pertinentes dont vous disposez – évaluations de rendement, rétroactions interfonctionnelles, profils des talents et plans de développement de carrière. Les programmes de développement de carrière de Right Management préparent les gestionnaires à identifier les individus qui seront capables de relever le prochain défi, et notre gamme de solutions d’évaluation permet de mettre en place le processus optimal de sélection des talents. L’art de cet exercice ne consiste pas à pouvoir expliquer pourquoi vous avez choisi ceux qui doivent partir, mais pourquoi vous avez choisi ceux qui vont rester. En étant prêt à dire au personnel qui sont les individus qui restent, pourquoi ils font partie de l’équipe et comment ils vont pouvoir collaborer, vous les aiderez à se tourner immédiatement vers l’avenir et réduirez la probabilité qu’ils demeurent fixés sur le passé.
Leçon de leadership : je me souviens d’une conversation avec un homologue dirigeant qui cherchait à mettre sur pied une nouvelle fonction dans son service et à atteindre un point de neutralité en matière d’effectifs. Malheureusement, ce dirigeant ne connaissait pas très bien les subtilités du fonctionnement de son équipe, et il n’a pas suivi l’approche « Stratégie, Structure et Sélection ». Une hypothèse de départ fondée sur cette ignorance l’a amené à supprimer plusieurs postes qui lui paraissaient redondants, mais qui étaient essentiels au processus établi. Cela a provoqué du stress et de la frustration; la productivité en a souffert, et malheureusement, la nouvelle fonction attendue a dû être reléguée au second rang, cédant la priorité aux incendies à éteindre suite au départ de ces employés. L’enseignement qu’il faut tirer de cet exemple est le suivant : prenez votre temps, préparez bien votre dossier et intégrez avec soin les personnes capables de couvrir vos propres angles morts. Ne laissez pas l’urgence et l’impatience nuire à la qualité.
PENDANT : Les 3 C – Communication, Compassion et Clarté
- Ne sous-estimez pas l’importance du plan de communication. Avec votre nouvelle structure à l’horizon et des décisions difficiles à prendre, vous aurez envie que le jour de l’annonce arrive le plus rapidement possible; mais avant de diffuser la nouvelle, vous devez élaborer un plan de communication. Commencez par dresser une liste de toutes les personnes qui doivent être informées des changements, puis classez chaque individu selon ce que la nouvelle signifie pour lui : « impact direct », « impact sur son équipe » ou « aucun impact ». Ensuite, établissez un programme qui se déroule dans un ordre logique, en priorisant vos subordonnés directs et les personnes les plus touchées. Plus la nouvelle est difficile, plus il est important de communiquer avec ces personnes directement. Faites en sorte que vos subordonnés directs et vos homologues soient mis au courant à l’avance, afin qu’ils puissent relayer vos messages clés et qu'ils ne perdent pas leur crédibilité en étant tenus à l’écart.
- Témoigner un peu de compassion peut changer beaucoup de choses. Résistez à la tentation de réunir les gens en grand nombre ou de recourir à des conférences téléphoniques ou des courriels de masse pour annoncer des nouvelles personnelles et difficiles. Bien que cela puisse, de prime abord, vous faire gagner des heures, l’impact sur votre crédibilité (et sur celle de l’organisation) se paiera pendant des années. N’oubliez pas que la manière dont vous transmettez une nouvelle difficile compte autant que la nouvelle même. Outre que c’est la meilleure chose que vous puissiez faire pour l’individu concerné, votre témoignage de compassion aura aussi pour effet de redonner foi et confiance en l’organisation à tous ceux qui y restent.
- Pour l’équipe qui va continuer, la clarté est un aspect essentiel. Communiquer à chaque personne l’impact qu’aura sur elle la réorganisation n’est que le début du processus de communication. Faire preuve de transparence à l’égard de ceux qui restent dans l’entreprise est une étape critique qui ne souffre ni d’être différée ni d’être déléguée. Une fois tous les individus respectueusement avisés de leur sort, l’équipe qui va continuer doit être constituée, puis la nouvelle stratégie, la nouvelle structure et la nouvelle équipe doivent être présentées clairement. Le fait d'aider ceux qui restent à comprendre quel sera leur rôle dans la mission à poursuivre ouvre des perspectives positives et montre qu’en soignant votre planification, vous avez su tenir compte de ce qu’il faut pour que l’organisation continue de fonctionner, au lieu de ne voir que les coûts à réduire.
Leçon de leadership : au cours d’une réorganisation, j’ai eu le cas d’une personne de mon équipe dont le travail n’allait pas changer beaucoup, mais avec qui j’ai tout de même décidé de m’entretenir individuellement cinq minutes afin de lui éviter la surprise de découvrir, à travers les communications élargies qui allaient avoir lieu par la suite, à quel point les choses allaient changer pour les postes côtoyant le sien. Cette personne m’a été reconnaissante de lui avoir accordé du temps pour intégrer les informations en amont et, par conséquent, a immédiatement soutenu le changement. Une semaine auparavant, un autre dirigeant à qui j’avais transmis mon plan de communication avait exprimé des doutes quant aux motifs pour lesquels j’avais prévu autant d’entretiens. « Il est inutile de perdre tout ce temps! Il te suffit de tous les réunir dans une salle et de présenter l’organigramme à l’écran », m'avait-il dit. Mais j’étais prêt à prendre le temps nécessaire pour m’assurer que chaque membre de l’équipe comprenait la direction que nous allions prendre et ce que cela signifiait pour lui. Aucun changement n’est facile, mais je suis convaincu que la vitesse à laquelle mes équipiers ont accepté la situation et sont allés de l’avant doit beaucoup à la manière dont ils ont pris la nouvelle lorsqu’elle a été annoncée. La leçon est simple, dans ce cas : traitez les gens comme ils veulent qu’on les traite.
APRÈS : Les 2 T – Transfert et Transition
- Une gestion bien réfléchie du transfert des tâches peut réduire considérablement l’anxiété de l’équipe restante : pour la continuité de l’activité comme pour la réussite future des individus, il est essentiel de planifier et de gérer soigneusement le changement. Pour la continuité de l’activité, chacun des individus dont le rôle change doit faire le point sur son travail actuel afin de déterminer quelles sont les tâches à commencer, à cesser, à continuer ou à transférer, en veillant à passer le flambeau du mieux possible. Cet effort aura pour effet de réduire l’anxiété des membres de l’équipe qui restent dans l’organisation, car ils redouteront moins que du travail important ne se perde ou n’atterrisse négligemment sur leur bureau.
- Le soutien dans la transition est important et encourageant. En tant que leader chargé de prendre des décisions difficiles et d’annoncer des nouvelles qui changent la vie d’individus, vous ne saurez jamais vraiment à quel point l’aide à la transition de carrière est utile jusqu’à ce que vous vous retrouviez vous-même, soudainement et contre votre volonté, à devoir déterminer quel sera le prochain chapitre de votre propre carrière. Les conséquences de la perte d’un emploi ne se mesurent pas seulement en termes de cessation de revenus ou d’avantages sociaux. Il s’agit aussi d’une rupture abrupte avec une communauté et un réseau de soutien en compagnie desquels vous avez passé la plupart de vos heures éveillées. Or, il est incroyablement motivant, éclairant et rassurant d’avoir un expert vers qui se tourner pour bénéficier de conseils sur les actions à entreprendre pour la suite. En fournissant des services de transition de carrière à vos employés sur le départ, non seulement vous constituez un programme de départ complet, mais vous vous engagez de manière continue en faveur du développement professionnel de chaque individu.
Leçon de leadership : ne vous attendez pas à pouvoir tout contrôler, une fois vos changements mis en œuvre. L’un des changements organisationnels les mieux planifiés qu’il m’ait été donné de mettre en place comprenait l’alignement complet d’équipes dirigeantes interfonctionnelles pour le travail que notre équipe allait devoir cesser de faire. Nous avons intégré cette capacité dans la création de l’organigramme, exécuté les changements et rapidement constaté dans les mois qui ont suivi que l’équipe avait atteint les limites de ses capacités du fait que l’alignement opéré au niveau de la direction ne se répercutait pas en aval. Des contributeurs individuels continuaient d’avoir les mêmes attentes qu’avant à l’égard de mon équipe, alors même que le nouveau modèle opérationnel ne laissait pas à celle-ci les capacités suffisantes pour y répondre. Heureusement, mes supérieurs et mes pairs étaient encore présents avec l’équipe à ce moment-là. Nous savions que, pour que ce changement tienne, nous devions soutenir les améliorations apportées en matière de transparence des rôles, de collaboration et de processus bien au-delà du jour de l’annonce. Leçon apprise : en matière de réorganisation (ou de leadership, d’ailleurs), on ne peut pas se contenter de « faire les choses et de ne plus y penser après ».
« Nous devenons trop bons dans ce domaine », a remarqué l’un des autres leaders de notre équipe de direction. Nous en étions à la troisième année consécutive de restructuration du groupe. Certes, la mécanique de la réorganisation n’avait plus de secret pour nous, mais ce qu’il voulait dire, c’est qu’il aurait préféré que nous passions du temps à mener des projets importants de développement de produit et de développement de clientèle ou à aider nos collaborateurs à évoluer, plutôt qu’à créer des organigrammes et à annoncer des nouvelles difficiles. Tout changement est synonyme de croissance. Et bien que l’on puisse parfois avoir l’impression de faire deux pas en avant et un pas en arrière, il y a toujours un progrès quand le processus est mené à bien dans les règles de l'art.
On me demande souvent pourquoi je suis passé de l’univers de la moto à la direction du portfolio des produits de Right Management en matière de développement de carrière, de mobilité, de changement et de replacement externe. Lorsque je me suis retrouvé à devoir réfléchir à mon avenir, après la suppression de mon poste (et le soutien reçu dans le cadre d’un excellent programme de replacement externe Right Management), j’ai fini par réaliser que ce qui me plaisait le plus dans mon travail était de voir l’impact qu’il avait sur la vie des gens. La mission que s’est donnée Right Management d’aider les individus à évoluer et les organisations à prospérer aide grandement les gens à aborder le changement et à grandir pour devenir la meilleure version d’eux-mêmes... ce qui est gratifiant et me correspond.
Lorsque vous vous retrouverez confronté au prochain changement organisationnel important de votre entreprise, faites en sorte que l’élément humain demeure au centre de votre processus décisionnel. Soyez particulièrement attentif à ce dont les employés qui restent auront besoin non seulement pour maintenir le navire à flot, mais aussi pour fixer le cap vers un avenir meilleur. Trouvez un partenaire de confiance, comme Right Management. Nos solutions de mobilité et changement ainsi que nos programmes de replacement externe peuvent vous aider à atteindre les objectifs de vos efforts de changement grâce à des méthodes rapides à déployer, évolutives et conçues pour soutenir les talents qui poursuivent leur carrière dans l’entreprise. Nos programmes de replacement externe soutiennent les employés sur le départ grâce à une expertise et un soin destinés à accélérer leur transition vers la prochaine étape de leur carrière. Engagez-vous à aider ceux qui quittent l’organisation à entamer le prochain chapitre de leur vie professionnelle avec confiance. Et n’oubliez jamais que la manière dont vous transmettez une nouvelle difficile compte autant que la nouvelle même.
Pour en savoir plus sur nos solutions de replacement externe, consultez www.rightmanagement.ca.